Quelle: www.lecho.be
Begie: 2022-08-05 22: 52: 07 , Lecho.be Actualite
05 août 2022
22: 52
Quand Washington joue sa partition, l’Europe écrit la sienne. Elle ne peut pas se laisser aller au suivisme, fût-ce en temps de guerre sur le sol européen avec une administration américaine amie.
Dans la déflagration médiatique mondiale autour de la crise de Taïwan, l’Union européenne se sera montrée discrète. Ni Charles Michel ni Ursula von der Leyen n’ont pipé mot pour soutenir la démocratie insulaire, et le haut représentant de l’Union, Josep Borrell, a sobrement relayé en ligne le communiqué du G7, dont l’UE est un membre “non énuméré”. Profil bas, donc, et à raison: suivre de trop près les États-Unis dans la mise sous tension de leurs relations avec Pékin serait contreproductif.
Les Taïwanais, que Pékin veut assimiler et “rééduquer”, ont plus que jamais besoin du soutien explicite de leur parrain américain. Mais, comme on l’a vu cette semaine, cela a un prix. Le courroux de la Chine de Xi Jinping contre la visite de la parlementaire s’exprime par des menaces sur les populations civiles taïwanaises. Et par la rupture funeste du cadre de coopération qui organisait le dialogue climatique entre les deux premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre.
“L’Union européenne doit ménager sa singularité et maintenir la possibilité d’un dialogue sur les sujets qui nécessitent une coopération mondiale.”
Dans ce contexte, l’Union européenne doit ménager sa singularité: pour maintenir la possibilité d’un dialogue multilatéral sur les sujets qui nécessitent une coopération mondiale; et bien sûr pour défendre des intérêts stratégiques qui ne sont pas toujours ceux de nos alliés.
Une proximité précaire
L’Europe a donc raison de laisser le soin à Nancy Pelosi de jouer face à Pékin la partition du bloc des démocraties contre le bloc des autocraties. Une musique, soit dit en passant, aux accords dissonants, puisqu’elle intervient en plein réchauffement des relations entre la Maison-Blanche et Mohammed ben Salmane – prince héritier d’Arabie saoudite que les renseignements américains tiennent toujours pour commanditaire de l’assassinat à Istanbul du journaliste Jamal Khashoggi, éditorialiste au Washington Post.
La visite de Joe Biden à Djeddah aura permis au régime saoudien de clamer à qui l’ignorerait que l’affaire était classée. Mais si, dans le chef de l’Américain, l’opération de réchauffement visait à augmenter la production pétrolière, l’échec est cuisant, comme les maigres résultats de la réunion de l’Opep+ l’ont montré mercredi. Voilà un autre terrain sur lequel les Européens seraient bien avisés de ne pas jouer les moutons de Panurge – même si certains n’ont pas attendu le retour de Washington pour dérouler le tapis rouge au prince héritier.
Aujourd’hui, la Maison-Blanche tient l’Union pour alliée et amie, et apporte un soutien militaire irremplaçable à l’Ukraine, dernier arrivé de la famille européenne, contre l’envahisseur poutinien. Mais cette proximité est très précaire. Elle ne doit pas endormir l’ambition européenne d’écrire sa propre partition pour reprendre en main son destin stratégique.
Lees meer van hierdie artikel oor www.lecho.be